Les voyages immobiles

Un éclairage que l'on utilise à la base pour le nu est une manière de varier les plaisirs et de découvrir d'autres résultats possibles pour le portrait rapproché. Et quand vous avez la chance de disposer d'un modèle dont le teint de peau se prête bien à l'exercice, pourquoi vous priver d'expérimenter de nouvelles choses ? C'est l'Inde tout entière qui vous ouvre les portes, loin des canons de la mode européenne. Voyager tout en restant chez soi est un luxe rare dont vous auriez tort de vous priver, quitte à déplaire à certains ou à subir les critiques d'autres. Expérimentez, amusez-vous, et le reste viendra naturellement ensuite. Tout est affaire d'ouverture d'esprit, de curiosité et de persévérance. Et comme le disait Dali, "Ne craignez pas la perfection, vous ne l'atteindrez jamais". Autant vous faire une raison dès le départ et vous décomplexer un peu.


L'éclairage pour le nu n'est probablement pas a priori ce qui est le plus attendu pour le portrait de type "tête et épaules". Mais essayer d'autres choses – qu'on les rate ou qu'on les réussisse – fait partie des plaisirs que l'on doit se forcer à s'accorder. Pour cette séance, quatre sources lumineuses sont en jeu. L'éclairage du fond, bien entendu, un éclairage frontal qui sert de remplissage, et deux grandes boîtes à lumière placées de part et d'autre du modèle. Ce sont elles qui assureront ce modelé assez particulier ou zones d'ombre et de lumière alternent tour à tour en épousant les reliefs du visage. Et si l'on a la chance de disposer d'un beau modèle au visage un peu rond et à la peau dorée, ce sont les portes de l'Inde qui s'ouvrent à vous, avec ce petit côté Bollywood qui invite au voyage.


En matière de rendu, tout est affaire de goût, mais si vous ne souhaitez pas obtenir des ombres découpées à la hache et trop profondes, pensez à ne pas placer les boîtes à lumière trop loin du modèle. De même, le débouchage devra être soigneusement dosé afin de garder un certain contraste. Une peau sombre qui absorbe beaucoup de lumière est aussi un élément qui facilite les choses. Il serait beaucoup plus compliqué d'obtenir un tel rendu avec une peau très claire, sur laquelle les transitions entre ombre et lumière sont par nature beaucoup plus douces. Enfin, attendez-vous à une certaine dose de post-traitement nécessaire. La lumière tend à être rasante, ce qui accentue fortement le grain de la peau et la moindre ride ou cicatrice éventuelle.


La dernière image issue de cette séance est celle que le modèle a choisie comme étant sa préférée parmi l'ensemble de la série. Peut-être parce qu'elle lui correspond le plus intérieurement, au-delà de ce que peuvent être les apparences où la vision que le photographe pourrait en avoir. C'est un peu aussi cela, la magie du portrait pour celui qui le réalise: découvrir ce que les autres voient d'eux-mêmes au travers de l'idée que vous vous en faisiez lorsque vous photographiiez. C'est la fin d'une boucle, celle qui mène du modèle au photographe puis qui retourne au modèle. Une manière pour le modèle de se réapproprier sa propre image au travers du travail photographe, qui n'est alors plus qu'un simple dépositaire. Et ça, c'est déjà pas mal.


Merci à Marjorie pour cette séance qui fut un plaisir réellement partagé, et l'occasion d'expérimenter des éclairages un rien différents aussi dans notre studio. Nous y ferons peut-être d'autres choses bien plus surprenantes dans le futur. C'est l'avenir qui le dira. Allez, hop ! Au boulot !

4 commentaires:

  1. Tu te doutes que j'ai particulièrement apprécié ce billet ;-)
    Très sympa

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  2. Merci Damien, et très heureux de te voir passer par ici :-)

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  3. Je lis tout ce que tu écris avec attention Patrick, tu me passionnes...

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  4. Ah, je ne sais pas quoi répondre. Je te remercie pour ton intérêt, et j'espère que ça continuera ainsi.

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