Un champ bordé de coquelicots le long d'une route, quoi de plus bucolique et de photogénique. Un sujet qui a l'air bien facile à gérer pour un photographe et qui pourtant ne l'a pas vraiment été. Retour sur une expérience personnelle un peu douloureuse mais qui se termine bien en fin de compte. Une leçon et un message d'encouragement aussi pour tout ceux qui n'ont pas obtenu les résultats qu'ils avaient espérer: n'abandonnez jamais, ô grand jamais.
Ayant été un rat des villes pendant de longues années, j'ai été longtemps assez déconnecté de sujets photographiques plus "nature". Non pas que je snobe le genre (1), mais quand vous n'avez pas eu un sujet sous les yeux durant un minimum de temps au cours de votre vie, il est peu probable que celui-ci vous inspire à distance. Les choses ont à présent un peu changé. Disons du moins que j'ai ces sujets pas trop loin des yeux depuis quelque temps et que je me trouve beaucoup moins facilement d'excuses pour ne pas m'y essayer un minimum. A plus forte raison parce que je peux être une quiche pour ce type de photographie, comme vient de me le montrer une récente expérience. Tout commence par un beau matin avec un champ bordé par des broussailles peuplées de coquelicots, le long d'une route que j'emprunte tous les jours.
Les coquelicots, c'est joli, c'est romantique et ça ne mange pas de pain pour quelques photos vite fait bien fait avant d'aller travailler. Erreur fatale, cher lecteur, car à moins que vous n'ayez un don naturel pour le sujet, des coquelicots dans un amas d'herbes folles, c'est tout sauf un sujet facile. Le premier essai s'est d'ailleurs soldé par un lamentable échec. Très vexant mais assez logique, car pour photographier ces bêtes fleurs (2), toutes les difficultés se cumulent. En raison de très moches arrière-plans et de l'étroitesse de la bordure du champ (qui est de plus clôturé), les options pour les angles de prises de vue sont réduites au minimum. Les graminées envahissantes bouchent la vue sur les fleurs. L'endroit est dégagé et le vent fait bouger le tout. Et pour compléter le tableau, il est très difficile de trouver le juste compromis en terme de profondeur de champ (3).
Qu'à cela ne tienne, le combat reprend le lendemain matin, équipé cette fois des leçons tirées après l'examen attentif de toutes les prises de vue ratées de la veille. Le résultat ? Mieux, mais très loin d'être satisfaisant, avec des choix de profondeur de champ ne menant pas au résultat escompté et des compositions plutôt faibles. Ce n'est qu'à la troisième séance de prise de vue qu'une première photo pleinement exploitable sort du boîtier, et ce n'est qu'à la quatrième (et dernière) séance que j'obtiens des résultats consistants pour l'ensemble des photographies. A l'exception de la dernière image de ce billet, toutes les autres sont d'ailleurs issues de cette ultime séance. Quatre séances donc pour obtenir six malheureuses photos, que je pensais naïvement être faciles à réaliser.
S'il fallait tirer deux leçons de ceci, ce seraient les suivantes: (a) ne présager pas de la facilité apparente avec laquelle une photographie semble avoir été faite si vous n'avez pas au moins une fois essayé d'en prendre une dans la même veine; cette facilité peut être très trompeuse; (b) quand on fait face à un échec pour un sujet qui se révèle être plus difficile qu'on le pensait, il ne faut pas trop vite jeter le gant; c'est lorsqu'on est en situation d'échec qu'on a la réelle opportunité d'apprendre et de progresser, pourvu que l'on veuille bien consentir l'effort de s'acharner un peu (beaucoup). Le meilleur moyen reste d'être vexé par le mauvais résultat que l'on a obtenu. Soyez donc quelqu'un de fier: ça aide à être facilement vexé par l'échec et par conséquent ça aide à apprendre.
Plutôt que de blâmer le sujet et de lui tourner le dos, remettez votre ouvrage sur le métier et domptez-le. Cela prendra le temps qu'il faudra, mais cela reste la meilleure voie que je connaisse pour apprendre. Votre vraie grandeur personnelle se mesurera à l'opiniâtreté dont vous pourrez faire preuve lorsque vous faites face à une difficulté. Il n'y a d'obstacle ingérable en terme d'apprentissage qu'à partir du moment où l'on a renoncé à essayer de le franchir. Rappelez-moi de me faire tatouer cette maxime dans l'esprit.
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(1) Mis à part les piafs et les bestioles en tout genre, parce que je n'arrive vraiment pas à accrocher à la photo animalière, pourtant bien difficile à maîtriser mais qui n'éveille rien en moi, pas même le soupçon d'une trace de poésie. J'adore pourtant le canard laqué et la viande de cheval. Bizarre.
(2) Je suis vexé, je vous l'ai dit, donc je me venge sur le sujet. C'est facile mais ça soulage un peu.
(3) J'ai trouvé que de toutes les difficultés rencontrées, le juste choix de la profondeur était celle qui était la plus difficile à dompter; elle a un tel impact sur le rendu final qu'elle fait le plus souvent toute la différence entre une photo réussie et une photo ratée.
J’adore le propos! Merci!
RépondreSupprimerAvec plaisir Éric. Je suis certain que nous nous retrouvons tous un peu dans celui-ci.
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