Dans nos sociétés occidentales modernes, la photographie est un peu l’épice de notre vie. Elle agrémente tout ce que nous voyons, sans même que nous en ayons encore réellement conscience tant elle est devenue omniprésente. Elle sait se faire tour à tour amusante, inquiétante, ludique, politique, libératrice, tentatrice. Elle a plus d’un tour dans son sac pour s’imposer à nous, partout et tout le temps. Parfois elle nous submerge tant notre environnement en est rempli. L’épice se substitue alors au plat et nous en fait perdre la saveur. Parfois nous aimerions fermer les yeux pour pouvoir nous reposer, dans un monde sans images. Parce qu’à quoi bon l’image si l’abus de l’image nous fait perdre le sens des choses ?
Tout comme il existe des journées sans voitures, nous en arriverions presque à souhaiter une journée sans images. Une forme d’aveuglement volontaire, d’autocensure salvatrice de notre sens visuel, qui nous autoriserait un instant à nous soustraire de la vision des choses que l’on nous impose.
Et pourtant… c’est plus fort que nous. Le besoin de voir fait partie de notre condition humaine. Il n’y aura pas de jour sans images chez nous, bien qu’il y ait des années entières sans images dans certains pays. Non pas que les habitants de ces pays aient assumé un quelconque choix personnel. C’est même tout le contraire. Simplement parce que, dans ces pays, certaines images ont encore un sens fort pour qui les regarde; un sens qui n’est pas jugé bon par une poignée de personnes. Des personnes qui s’arrogent le droit de décider du bien-être des autres, le droit de ce qu’il est bon de laisser voir et de ce qu’il est bon de cacher. Des personnes qui décident du droit à l’image.
Le droit à l’image, cela vous dit-il quelque chose ? Chez nous, c’est le droit qui autorise l’individu a contrôler l’image que les autres donnent de lui. Le même concept que dans les pays précités, mais tout à l’envers. Parce qu’à force d’abuser de l’image, nous en sommes arrivés à faire les choses à l’envers, en élevant l’image de l’individu au dessus de l’image du monde. Parce que les images du monde que nous regardons ont perdu leur sens.
Tenter modestement de redonner un sens aux images, n’est-ce pas tout simplement cela, être un photographe ?
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