Si on se faisait un petit bol de beauté ? (II)

Après voir passé un peu de temps à bricoler notre bol de beauté maison, c'est à présent le moment de passer aux choses sérieuses, à savoir tester la qualité des résultats obtenus en termes d’éclairage.
Le verdict : pas mal du tout au vu du prix total et de la simplicité de réalisation. C’est sûr, on n’atteint vraisemblablement pas la qualité d’un vrai bol de beauté professionnel, mais l’investissement en valait la peine. Comme attendu, la lumière est  plus enveloppante que celle d'un parapluie translucide, mais il faudra accepter de payer le prix en termes de perte de puissance. Le problème n'est pas lié à notre bricolage en tant que tel et se rencontre d'ailleurs pour la plupart des modifieurs importants appliqués aux flashes de reportage.

Afin d'évaluer le plus objectivement les performances du montage que nous avons précédemment décrit, nous allons ressortir le flashmètre, juge impartial s'il en est. Tous les tests seront conduits en comparant notre bol de beauté maison avec un parapluie tranlucide tout ce qu'il y a de plus classique. Les mesures ont été faites grâce à un flashmètre Sekonic équipé de son dôme diffuseur.
La première chose à évaluer est l'intensité lumineuse obtenue en utilisant respectivement ces deux modifieurs. Sur base d'un flash Canon 580 EX II à pleine puissance (tête de flash réglée sur une position zoom de 35 mm) et en disposant le flashmètre à un mètre de distance du sommet du parapluie ainsi qu'à un mètre de la surface de l'assiette du bol de beauté, le constat est sans appel : le flashmètre indique f/11 et 2/10 (à 1/125 s et ISO 100) pour le parapluie, tandis que la lecture est de f/ 5.6 et 6/10 pour le bol de beauté. En clair, cela signifie une perte de près de 1.5 diaphragme pour le bol de beauté par rapport au parapluie. Un tel chiffre est assez cohérent avec la perte que l'on constate pour d'autres modifieurs adaptés sur des flashes portables et il faudra malheureusement l'accepter ou renoncer à utiliser le bol de beauté (1).

Il est aussi intéressant de faire une mesure mais cette-fois à l'arrière du parapluie et du bol de beauté. A un mètre de distance à nouveau, la lecture pour le parapluie donne f/8 (à nouveau 1/125 s, IS0 100), ce qui signifie qu'un tiers de la lumière est réfléchie et perdue vers l'arrière, une valeur conforme à ce que l'on trouve dans la littérature. Pour le bol de beauté, la même mesure à la même distance est plus surprenante puisqu'elle donne f/4, soit à peu près la même perte en proportion que pour le parapluie. Il conviendra donc de colmater l'espace entre la tête du flash et le bord circulaire de la découpe arrière de la soucoupe à l'aide d'une surface réfléchissante pour éviter cette perte inutile et évitable; la lumière revenant par l'arrière est essentiellement due au retour direct de la "boule" collée sur l'assiette, qui est très proche (quelques cm à peine) de la tête du flash.

Ces mesures étant faites, passons à présent du côté pile au côté face, à savoir : quel est le rendu que l'on obtient sur une surface éclairée à l'aide de ces deux engins ? Ici, on s'intéressera uniquement à la forme de la zone lumineuse, toutes autres choses étant égales. A cette fin, le parapluie et le bol de beauté sont tous deux disposés face à un mur, à une distance égale à 40 cm (par rapport au sommet du parapluie d'une part et par rapport à la surface réfléchissante du bol d'autre part). Les photos ci-dessous montrent que le bol de beauté se comporte de manière appropriée par rapport au parapluie : la zone circulaire est presque parfaitement homogène, si ce n'est un anneau légèrement plus sombre dont le bord est surtout visible vers le haut et vers le bas (en raison du fait que la tête de flash n'est pas circulaire, bien entendu); il est probablement dû au bord de l'assiette et n'est d'ailleurs pas symétriquement disposé autour du bol, indiquant que le flash n'est vraisemblablement pas positionné pile dans l'axe (2).


A noter que plusieurs positions pour  le zoom de la tête de flash ont été testées; le meilleur rendu est obtenu à 80 mm, sachant qu'une position grand-angle favorise l'échappée de la lumière directe du flash vers les côtés (en clair, une partie de la lumière vient dans ce cas directement taper sur le mur sans toucher l'assiette au préalable). A noter également qu'au vu de la faible distance au mur (pour rappel, 40 cm), la taille de la tache lumineuse indique que l'angle de la lumière réfléchie est assez ouvert. C'est logique quand on se souvient que la surface de la soucoupe est plate, alors que celle d'un bol de beauté ne l'est pas. La lumière sera donc moins concentrée que pour un vrai bol.

Peut-être pas parfait donc, mais néanmoins très acceptable je pense comme résultat. Il reste à voir ce que cela donne en termes de rendu sur un visage éclairé. Pour ce faire, sortons pour un moment notre acolyte de son sommeil sur l'étagère (je vous présente au passage Albert, mon assistant fidèle, impassible et d'une patience infinie). En adoptant un angle d'éclairage classique 45° latéral 45° vertical (sans autre source d'éclairage), le parapluie et le bol ont été positionnés à une distance identique de 65 cm par rapport aux bout du nez (distance mesurée par rapport au sommet du parapluie et par rapport à la surface réfléchissante du bol). C'est là qu'on est agréablement surpris. On constate une différence de rendu évidente : à gauche le parapluie, avec des ombres marquées malgré la faible distance. A droite, le bol de beauté qui donne une lumière beaucoup plus enveloppante, comme attendu. Bien que le diamètre du parapluie soit supérieur à celui du bol de beauté, seule une partie de la surface du parapluie contribue efficacement à l'éclairage du visage, en raison de sa courbure. Le problème ne se pose évidemment pas avec le bol de beauté.


En résumé, il est vraisemblable que de meilleurs résultats puissent être obtenus sur base d'un bricolage plus élaboré. Notamment, (i) un bol de beauté dont la surface réfléchissante n'est pas plane contribuerait à limiter l'angle du faisceau, et (ii) un autre montage pour le réflecteur pourrait améliorer l'homogénéité de la lumière. Par contre, j'ai particulièrement apprécié la douceur du rendu par rapport au parapluie. Du point de vue pratique, j'apprécie aussi le très faible poids et l'encombrement réduit de l'engin, dû à sa "platitude" puisque ce bol n'en est pas vraiment un. Deux autres gros avantages pour du travail en intérieur sous un plafond assez bas, comme c'est le cas dans mon tout petit studio : (i) le bol ne renvoie pas de lumière vers l'arrière (une fois qu'on aura bouché l'espace entre la tête du flash et l'ouverture circulaire), tandis que le parapluie en jette 1/3 vers l'arrière, ce qui peut poser des problèmes de retours non souhaités, et (ii) à distance du sujet et angle d'éclairage du sujet équivalents, le bol est bien moins exigeant en termes d'espace nécessaires que le parapluie, car l'ensemble est bien plus plat : comptez que pour un parapluie il faut près d'un mètre de dégagement vers l'arrière par rapport au sommet du parapluie, tandis qu'à peine 20 cm sont nécessaires pour notre bol maison. Pour une photo d'un modèle debout sous un plafond bas et éclairé sous un angle vertical de 45°, ça fait une énorme différence, puisque le bol peut être être monté jusquà avoir le bord de la soucoupe qui viendra toucher le plafond, ce qui est bien entendu impossible pour le parapluie.

Bref, je le garde mon montage, et il me reste juste à l'essayer sur le terrain, "pour de vrai". Mais cela, pas avant d'avoir également peint la surface arrière en noir afin de ne pas éveiller les soupçons quant à son origine assez particulière...

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(1) Cette perte d'intensité lumineuse explique aussi pourquoi de grands modifieurs sont peu utiles pour des flashes portables. A titre d'exemple, aucune boîte à lumière dont la dimension excèderait 60 cm n'est recommandée, la perte étant bien trop conséquente par rapport à l'intensité initialement délivrée par ces flashes (dont l'intensité reste sans comparaison par rapport ce que l'on peut obtenir avec des flashes de studios, même modestes). La solution consiste dans ce cas à monter plusieurs flashes sur le même modifieur, ce qui n'est malheureusement pas possible pour notre bol de beauté en l'état et ce en raison de la dimension des têtes de flashes par rapport à la découpe dans la soucoupe.
(2) en observant attentivement (et sur un très bon écran) les deux photographies, on peut aussi constater que les ombres portées par les baleines du parapluie sont très légèrement visibles; idem pour les ombres portées par les tiges filetées du bol de beauté.

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