En tant que photographes plus ou moins forcenés, sommes-nous tous de grands malades de l’ego ? C’est la question que l’on peut se poser, tant à la lecture de certains débats entre photographes très renommés qu’à la lumière de nos propres réactions, lorsque nous soumettons nos réalisations au regard des autres.
Comme le soulignait un internaute, le problème est tellement récurrent qu’on peut s’étonner qu’il ne fasse pas l’objet de livres entiers traitant de la chose. De tels livres existent, mais sont-ils bien consultés par les photographes eux-mêmes ? D'ailleurs, en parlant de consulter, ne devrions-nous pas le faire ? Un petit voyage au fond de nous-même ne s'impose-t-il pas ?
Situé au coeur de toute démarche créative personnelle qui se veut connue, l’ego est un moteur performant. Sans ego et sans envie de se dépasser, il n’y a pas de vraie démarche artistique personnelle. Sans envie de partager, il n’y a pas de reconnaissance possible, et sans reconnaissance il y a peu de motivation. Bien sûr, il y a le poncif de l’artiste qui ne travaille que pour lui-même, sans se soucier le moins du monde des autres. Mais reconnaissez-le, est-ce bien là une description honnête de votre démarche ? Si oui, vous êtes dispensés de lecture pour ce qui suit et vous voilà certifiés « 100% sans ego », auteur d’une œuvre qui restera inconnue à jamais. Dans le cas contraire, plongez au plus profond du côté obscur de la force et affrontez votre démon.
Les réactions vives, passionnées, épidermiques sont l’apanage de toute création artistique soumise à la critique, probablement parce que créer est tenter d’extérioriser ce que nous avons de plus personnel enfoui en nous. Nos aspirations, nos craintes, nos désirs, nos joies, nos peines. Toutes ces choses qui sont si bien cachées, à l’abri. L’œuvre créée, voilà ces aspects très intimes sortis de nous, livrés à la curée infâme de la critique. Nous voilà exposés, nus, et volontairement de surcroît. Pourrait-on tolérer que l’on nous mette à mal, que l’on nous dissèque, tout cela sans que nous n’éprouvions la moindre réaction ? Non, sans aucun doute. Et voilà que revient au galop à vos côtés votre faux ami le plus pervers, l’ego.
Faire fi des critiques est une démarche saine et justifiable. C’est elle qui vous pousse à avancer plus loin sur vos propres sentiers, souvent parsemés de ronces, alors que l’appel des voies toutes tracées et faciles à suivre résonne au loin. Mais prenez garde que le sentier ne se transforme en un chemin ne menant tout simplement nulle part. Si nulle musique n’est plus belle à nos oreilles que celle de notre propre rêve, il n’est aussi pire sourd que celui qui ne veut entendre.
L’ego est un problème qui peut dramatiquement nous empêcher d’avancer et de progresser dans notre pratique, parce que nous sommes fiers par essence, convaincus à chaque étape durement franchie que nous sommes enfin arrivés au sommet de notre art, ou du moins si près du sommet. Mais arrivé au sommet, il n’y a alors plus rien à remettre en cause dans notre travail. Plus aucun progrès possible, plus aucune nouveauté à attendre. Nous sommes au-dessus de la mêlée. Nous sommes arrivés. Et nous voilà aussi vidés de nos rêves, enfermés au sommet d’une tour dressée sur ce qui n’est qu’une simple butte. Nous pensons que c’est le début d’une belle histoire mais le mot « Fin » s’inscrit déjà en grand sur l’écran. Et nous ne le voyons pas.
La solution ? Ne comptez pas trop sur moi pour être capable de vous la donner. D’ailleurs, je n’en aurais pas le temps : j’ai encore beaucoup trop de sentiers à suivre, de ronces à affronter, d’endroits où me perdre… et de critiques à écouter ?
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