Bienvenue dans la maison de Dieu

Une église désacralisée, des flashes et des personnages assez inquiétants par moment. La vie du photographe est parfois stressante quand elle croise celle d'individus étranges dans des lieux peu coutumiers de sa vie ordinaire. Quelques prises de vue un rien décalées à l'occasion d'une séance dans cet endroit fermé au public, dont je tairai le nom ainsi que celui du concierge. Plongé dans la pénombre permanente et le parfum caractéristique des lieux presque insalubres, mieux vaut travailler vite et surveiller vos arrières, parce qu'ils sont plusieurs et que vous êtes seul. D'ailleurs vous n'avez pas la clé pour sortir de l'église. Alors, autant vous y faire, filez droit et faites le travail que les locataires vous ont demandé de faire. Dans le cas contraire, c'est bien vous qui risquez de devoir payer en liquide... et j'ai bien peur que ce liquide-là puisse avoir la couleur du sang.

Photographier sur site à l'aide de simples flashes de reportage est un plaisir que l'on peut s'offrir sans engager au départ de grosses dépenses. Cette façon de travailler (appelée strobist dans le milieu des aficionados) s'est popularisée en raison de son faible coût, de son aspect très ludique et des résultats souvent riches en ambiances ainsi produites, avec des éclairages généralement fort contrastés. L'église étant assez sombre, tout a dû être éclairé au flash pour ces prises de vue, ce qui ne permet pas l'ajout de modificateurs élaborés pour la lumière (ceux-ci faisant aisément perdre de un à deux diaphragmes selon leur type). D'ailleurs, l'ensemble des photos visibles ici ont été réalisées avec des flashes nus, munis au besoin de gélatines 1/2 CTO (Couleur Témpérature Orange). Commençons par le maître des lieux, qui vous accueille perché sur l'autel en vous réclamant son portrait.


Le schéma d'éclairage est simple à mettre en place. Un flash muni d'une gélatine 1/2 CTO est placé derrière l'autel à même le sol et dirigé vers la voûte à pleine puissance. Un autre flash nu est placé à droite sur un pied, lui aussi au pied de l'autel mais assez latéralement, réglé au tiers de sa puissance et sans gélatine. La lumière venant inévitablement du bas, on demandera au client de baisser légèrement la tête. Le photographe est quant à lui réduit à s'allonger sur le dos pour la prise de vue, non pas en signe d'allégeance mais bien afin de pouvoir bénéficier au maximum des possibilités offerte par l'objectif grand angle. Les flashes de reportage n'ayant pas une grande puissance, on n'hésitera pas à monter un peu en sensibilité (ISO 400, f/6.3, 1/80 s, 28mm).

Le portrait à peine terminé, une voix féminine venant de l'arrière vous fait sursauter. Vous découvrez alors la maîtresse des lieux, confortablement installée à même le sol dans sa plus belle tenue, la mine engageante et le regard bienveillant. Demi-tour pour la seconde prise de vue, dos à l'autel cette fois. Et c'est là que vous priez pour que vos flashes puissent éclairer un tel décor de manière décente.


L'éclairage principal sur le personnage est réalisé au moyen d'un flash sur pied et sans gélatine, orienté à 45° latéralement et 45° vers le bas, à trois mètres de la cible. Le décor est éclairé par deux flashes croisés, placés derrière les deux premiers piliers à gauche et à droite (non visibles sur la photo), à nouveau à pleine puissance et tous deux munis d'une gélatine 1/2 CTO. Au vu de la taille de l'église, on montera encore un peu en sensibilité et un léger éclaircissement des parties les plus lointaines de l'église sera nécessaire en post-production (ISO 800, f/8, 1/125 s, 35mm).

Vous voyant de plus en plus blême, le maître des lieux a la bonne idée de faire entrouvrir les portes de l'église alors que le soleil se couche déjà sur le monde des vivants. Un rayon vient le frapper alors qu'il contemple le spectacle de loin, tandis qu'une ambiance de crypte vous entoure, baignée d'une lumière qui n'a rien de naturelle. 


Pour cette dernière prise de vue, seule la lumière du soleil éclaire le personnage, tandis que vous aurez placé derrière le pilier visible sur la photo un flash muni d'une gélatine 1/2 CTO à pleine puissance et orienté vers le plafond. Vous penserez à vous placer de manière à ne pas avoir le personnage entre vous et la porte (ce qui n'a rien à voir avec la photo mais vous offre la possibilité de fuir prestement, on n'est jamais trop prudent).

Votre mission accomplie, il vous reste à dire au revoir à tout le monde avant que les portes ne se referment pour un long moment. Vous n'oublierez pas de saluer la maîtresse des lieux (de loin si vous le pouvez), ainsi que de remercier (toujours de loin) le concierge qui veille au grain.



Une aventure se termine en courant vers la sortie, une autre va pouvoir commencer puisque le photographe est resté en vie. Espérons que l'aventure suivante soit un peu moins angoissante. Tout ça n'est plus de mon âge, je vous le dis.

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