En pleine clarté - l'esthétisation du mâle

Dans le cadre de notre série "Faisons du studio et prenons-nous la tête", la réalisation d'un portrait est un long processus qui débute toujours par l'humain mais qui s'achève par la machine. Sans pour autant s'enliser dans le débat sans fin qui confronte l'approche brute de la réalité avec une démarche bien plus esthétisante, on ne peut cependant pas échapper à la question, à moins de prendre d'emblée un parti pris pour l'un de ces deux extrêmes : où donc se situe le bon compromis entre les deux ?


Entre l'approche dépouillée de Rineke Dijkstra et le simili-kitsch très assumé de David Lachapelle, vous avouerez sans mal je pense qu'il y a comme un grand espace de liberté qui s'ouvre devant vous, cet espace prenant d'ailleurs furieusement l'allure d'un gouffre. Et lorsqu'à la fin d'une séance il vous faut faire des choix quant à ce que devra être le résultat final, l'angoisse commence à vous ronger. Vous aimez ces deux photographes pour ce qu'ils apportent chacun, mais vous ne pourrez pas réconcilier les deux sur la même photographie. Quelle sera donc l'option à choisir ?

En tant que photographe bassement opportuniste, peut-être ramènerez-vous la question à son aspect le plus pragmatique : pour la série d'images brutes qui vous concerne, au-delà des guerres entre écoles qui parfois vous échappent, sur quoi allez-vous mettre l'accent afin d'arriver à un résultat qui vous semble avoir le plus d'impact ? Peut-être plus important encore : quel est au final le résultat qui vous satisfera le plus, sachant que vous ne ferez jamais l'unanimité auprès du public, puisque choisir c'est renoncer. Alors, autant vous faire plaisir après tout, non ?


Pour cette série d'images, l'approche choisie est celle d'un traitement vigoureux, certes, mais dont le but ne reste malgré tout que le renforcement de ce qui est intrinsèquement présent à la base. Pas de montages ou de trucages, mais une utilisation assumée des multiples curseurs à votre disposition dans votre logiciel de traitement d'images (Camera Raw ou Lightroom en l'occurrence). Il ne s'agit donc pas de cacher la misère de prises de vue qui seraient perfectibles, mais bien d'essayer d'en améliorer l'impact via des moyens numériques. Toutes ces photos ont été prises devant un fond noir éclairé par un flash placé derrière le sujet. Trois autres sources d'éclairage sont utilisées pour le sujet : l'éclairage de remplissage frontal et l'éclairage principal placé à 45° en haut et à gauche dans deux grandes boîtes à lumière (avec un rapport de l'ordre de 3/1 à 4/1), ainsi qu'un éclairage de retour arrière assez discret grâce à un snoot.


Dans votre logiciel de traitement, vous avez plus que le choix en matière de curseurs, alors autant expérimenter joyeusement pour vous approcher de ce qui vous conviendra. Les deux photos ci-dessous montrent les deux extrémités de la chaîne de traitement (f/10, ISO 200, 1/125s @ 73mm). La photo de gauche (*) est le résultat obtenu à la prise de vue (aucune correction ou recadrage), celle de droite est le produit fini. Sur base de cette comparaison, vous avez déjà une petite idée de ce qui s'est passé.


Les corrections globales (s'appliquant à l'ensemble de l'image) comprennent les réglages suivants : un léger recadrage, un réglage de la balance des blancs et de la teinte (6000 K, teinte neutre), une augmentation de la clarté (+85%), une diminution de la saturation (-22%), mais rien d'autre. Les corrections locales impliquent un nettoyage des petites imperfections de la peau (qui sont très fortement renforcées après l'augmentation de la clarté), un éclaircissement des yeux, un appoint de lumière et de clarté sur les cheveux, un léger assombrissement (-0.4 diaphragme) de certaines zone un peu claires (à nouveau dues à l'augmentation de la clarté) et un léger renforcement du vignettage à gauche et à droite. Voilà donc les quelques simples étapes menant à ce résultat final.


On ne peut pas nier que la démarche de ce traitement est purement esthétisante, puisqu'elle ne cherche qu'à valoriser l'apparence du sujet, mais elle me semble poursuivre la logique de ce qui était déjà présent à la prise de vue, de par les poses et le choix du schéma d'éclairage. Ce qui soulève une autre interrogation : le traitement n'est-il pas que la simple poursuite logique de ce qui avait déjà été mis en place dès le départ, consciemment ou inconsciemment ? A vous de décider. Mais si la réponse est affirmative pour vous, la prise de vue retrouve alors toute son importance, dans le sens le plus noble du terme, et le traitement ne devient plus qu'un outil. Utile et nécessaire, comme tous les outils, mais outil malgré tout. Traiter ou ne pas traiter, là n'est peut-être pas la question, tant que les moyens sont justifiés par la fin... ou par le début ?

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(*) modèle : Maxime.

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