Studio rime avec bio : lumière sur un paradoxe

Au gré des rencontres et des hasards, il m'est arrivé à plusieurs occasions de discuter avec d'autres photographes au sujet de portrait et de lumière. Parmi les nombreux propos qui m'ont souvent été tenus, l'un deux est que la photographie de studio serait un travail artificiel et stérile sous bon nombre d'aspects, puisqu'il n'a rien à voir avec la qualité de la lumière que l'on obtiendrait en conditions réelles. Certains ont même poussé ce raisonnement plus loin en affirmant que la lumière naturelle serait "plus belle" (ce qui est la version photographique de la phrase "Le bio c'est meilleur!", si l'on peut dire). J'imagine qu'il s'agissait pour l'essentiel de justifier soit un manque d'intérêt soit un manque de compétences de leur part dans ce domaine, car s'il y a une chose qui peut vraiment vous aider à comprendre la lumière, c'est bien la prise de vue en studio. Et qui dit comprendre dit être capable d'utiliser. C'est aussi simple et important que cela.

Au risque de décevoir les esprits les plus romantiques, il est bon de rappeler que la lumière est constituée de photons qui n'ont cure de savoir s'ils ont été générés par le soleil ou par une ampoule de flash. Il n'y a pas de bons ou de mauvais photons. Il n'y a simplement que ceux que vous arrivez à contrôler ou pas. En studio, tout est possible. En lumière naturelle aussi, mais vos options sont largement réduites en fonction du moment et de l'endroit donnés. Il est donc d'autant plus important de pouvoir les identifier quand elles se présentent, voire même de les provoquer à souhait.

Il est impossible d'embrasser l'ensemble du sujet dans un billet qui se veut volontairement court, mais une sélection d'images est suffisante pour illustrer le propos. Elles ont toutes été réalisées en l'espace d'un seul week-end, avec les conditions et les lieux du moment. Puisqu'on parle de conditions réelles, il n'y aura pas non plus d'accessoires ou de modèles spécifiquement prévus pour l'occasion. Juste votre appareil et votre autre moitié. Du 100% pur jus bio donc. Et tout peut commencer près d'une fenêtre qui se comporte comme une grande boîte à lumière offrant une lumière assez douce, à condition de savoir où placer le sujet de manière judicieuse (1). C'est la première chose que l'on apprend en studio.


Deux étages plus bas, une cage d'escalier vous offre une autre lumière, plus directionnelle car émanant d'une fenêtre placée bien plus loin et plus haut. Votre marge de manoeuvre est à présent plus réduite si vous souhaitez éclairer un visage de manière encore délicate, avec une lumière qui va inévitablement accentuer le contraste entre les zones claires et sombres. Pour cela, il faut à nouveau pouvoir positionner correctement votre modèle, dont le visage fait ici face à la lumière (2). C'est la deuxième chose que l'on apprend en studio.


Puisqu'on est malgré tout en week-end, partons nous promener un peu du côté du bois de Vincennes, et plus précisément dans la grotte du lac Daumesnil. Le temps est très couvert et la lumière est sans intérêt à l'extérieur, mais c'est très différent à l'intérieur. Les deux entrées laissent passer ce qu'il faut de lumière derrière et devant le sujet pour obtenir un éclairage contrasté mais pour lequel les zones d'ombre ne sont pas trop noires (3). Éclairer par l'arrière est une technique plus avancée que l'on apprend également en studio.


Au fil des kilomètres parcourus, le pilier d'un pont très bas qui enjambe une partie du cimetière de Montmartre vous offre une lumière qu'il est bien plus difficile d'obtenir, avec une transition très progressive entre les zones claires et sombres, car le temps est couvert et l'ombre du pont est marquée. Ce sont des lumière recherchées pour des portraits permettant d'évoquer la douceur (4) et même les couleurs sont naturellement belles pour cet exemple.


En résumé, il est bien entendu possible de faire de merveilleux portraits en lumière naturelle sans jamais avoir à mettre les pieds dans un studio. La question n'est pas en soi de savoir si vous préférez la photographie de studio ou la photographie en lumière naturelle, mais plutôt de vous rendre compte qu'avoir une bonne connaissance des techniques de studio est un atout vraiment très précieux. Car dans toutes les photos que je vous ai montrées, même si la lumière est entièrement naturelle, vous ne disposez que d'au grand maximum 50 centimètres de marge de manoeuvre pour positionner correctement votre modèle et obtenir le même rendu. Si je peux vous le garantir, c'est parce que je comprends l'éclairage de studio. Je comprends donc la lumière naturelle aussi. J'espère que ces quelques modestes photos auront réussi à vous en convaincre. Il ne vous reste plus qu'à passer outre vos préjugés pour vous y mettre un peu. Je pense que vous ne le regretterez pas.

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(1) éclairage à 45° de type court, équivalent à celui obtenu avec une unique grande boîte à lumière placée très près du sujet, sans aucun remplissage.
(2) éclairage butterfly de type court, équivalent à celui obtenu avec un bol de beauté, avec un léger remplissage lié à réflection des murs
(3) éclairage "backlight", équivalent à celui obtenu avec une boîte à lumière placée derrière le sujet, avec un léger remplissage lié à une source de lumière frontale
(4) éclairage à 45° de type court, équivalent à celui obtenu avec une grande boîte à lumière et un important remplissage lié à une source de lumière frontale.

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