Trouver le bon là

Faire de la photographie opportuniste en capturant les sujets les plus surprenants qui se retrouvent sur votre route, ce n'est possible que si vous avez un profond sens de la curiosité et le goût de l'aventure, même si celle-ci est (semi-)urbaine et en conditions somme toute très contrôlées. Point de découverte pour celui qui n'emprunte pas les chemins de traverse, qui ne parcourt pas les plus petites impasses obscures et qui rechigne à fouiner dans les endroits a priori les moins excitants. Il n'est pas nécessaire de planifier la visite de friches industrielles pour se voir offrir de multiples opportunités toutes plus belles les unes que les autres. Il suffit de regarder autour de soi; tout est là, prêt à être photographié. Ce qu'il vous revient de faire est d'arriver à accorder vos sens avec le bon "là".


Il est assez ironique de s'apercevoir que ce que l'homme a construit puis détruit retourne parfois aux apparences mêmes de la nature qu'il s'est évertué à remplacer. Au détour d'un chemin boueux, bien cachée de la vue du plus grand nombre derrière un tas de gravats, j'ai pu croiser la plus étrange oeuvre d'art malgré elle. Ces longues tresses de barres à béton issues de la destruction de vieux immeubles forment la plus belle et la plus étonnante des cascades, en présentant un aspect si dynamique qu'on a du mal à croire que tout ceci est parfaitement immobile. Très envoûtant et presque hypnotique, non ?



On peut se contenter d'aborder un tel sujet en le montrant tout entier et dans son contexte, en le voyant comme une simple curiosité. On ne fait alors que représenter la réalité. Mais on peut aussi plonger à l'intérieur de ses entrailles et prendre un bain rafraîchissant de vues bien plus abstraites, sous des angles variables à l'infini. Dans ce qui devient un amas confus de métal tordu, il reste à identifier une composition en simplifiant. Simplifier, simplifier, et simplifier encore pour ne garder que l'essentiel, peut-être est-ce là le simple secret de tout l'art de la composition. Et c'est un art difficile lorsqu'on fait face à la confusion qui noie nos sens.


A ces contraintes esthétiques se superposent aussi les aspects techniques de la prise de vue. Un bon pied aurait été utile mais j'aime voyager léger. Il y a donc des compromis à faire en veillant à selectionner des zones ne s'étalant pas sur des plans trop éloignés les uns des autres. Dans cette situation, votre meilleur ami reste un simple appareil compact qui offre bien plus de profondeur de champ à ouverture égale en raison de la petite taille du capteur. Less is more and simple is beautiful dans certaines circonstances. C'est à la fois vrai pour la composition et pour le matériel dans le cas présent.


Il nous reste à remercier l'ensemble des ouvriers et des engins mécaniques qui sont à l'origine de cette oeuvre d'art éphémère. Et on saluera leur acharnement par la même occasion. Parce qu'arriver à entremêler aussi intimement des barres en acier dont la plupart ont un diamètre de plus d'un centimètre, il faut vraiment le vouloir. On ne se plaindra pas du résultat. Bravo les gars, vous faites du beau boulot !

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